Un crooner passé de mode qui
se prend à faire revivre la flamme (Quand
j’étais chanteur, 2006).
Un escroc déguisé en chef de chantier
qui relève le défi du bien commun (A
l’origine, 2009). Un
inconnu qui devient célèbre du jour au
lendemain (Superstar,
2012). Une grande bourgeoise,
spécialiste des couacs, qui se rêve en
cantatrice (Marguerite,
2015). A force de creuser, de film en
film, la question de la croyance (et
de ses satellites, de l’imposture
jusqu’à la grâce), Xavier Giannoli,
grand distillateur de fables
consacrées au pacte fictionnel, devait
un jour relever frontalement le défi
de la foi. C’est chose faite avec L’Apparition
(2018), à ceci près que ce film à
« twist », impossible à
étreindre, adopte une conduite plus
sinueuse que rectiligne.
Blessé lors d’un reportage dans une zone de guerre où Dieu a encore son mot à dire, Jacques (Vincent Lindon), grand reporter, est rapatrié d’urgence à Paris, où, par une singulière ironie du sort sur cette terre sainte de la laïcité, Dieu l’attend de nouveau, en vertu, suppose-t-on, de son ubiquité.
Il prend, cette fois, la
forme d’un appel téléphonique en
provenance du Vatican. On lui demande
d’exercer sa profession au sein d’une
commission d’enquête destinée à
prouver la véracité ou l’imposture du
récit d’une jeune fille du sud-ouest
de la France, Anna, à laquelle la
Sainte Vierge serait apparue à
plusieurs reprises. S’inquiétant de la
dimension que prend l’événement, le
Saint-Siège redouble de précautions.

Personnage de taiseux
Eloigné de la religion de son enfance et de la foi, sans leur être hostile, Jacques relève le défi de l’enquête qui lui est confiée. Au sein d’une commission très diversement constituée (du prêtre au psychiatre) lui revient la tâche la plus ingrate, celle d’enquêter selon les règles de l’investigation journalistique sur un phénomène, la vision, qui s’y soustrait par nature. Cette aporie devient, hélas, celle à laquelle se heurte le film lui-même. Requis par sa mission, mais troublé par la jeune fille, le personnage interprété par Vincent Lindon – ici réduit à un personnage de taiseux qui le rend visiblement malheureux – se tient continûment au milieu du gué.
La solution imaginée par Xavier Giannoli afin de l’en tirer (une piste policière menant, tel le Saint-Esprit, à une troisième personne) fait l’effet d’un deus ex machina destiné à concilier tant l’hypothèse de la vérité que celle du mensonge. En un mot, à prôner, en cinéaste qui se respecte, les vertus de l’illusion. Si subtile soit-elle, cette dialectique semble inopérante s’agissant d’un sujet aussi brûlant que la représentation de la foi au cinéma. Ici, il sera toujours préférable de trancher entre deux voies extrêmes : celle de Dreyer (Ordet, 1955) et de Rossellini (Voyage en Italie, 1954), ou celle de Bergman (Le Septième Sceau, 1957) et de Mocky (Le Miraculé, 1987).