L’acteur n’était pas que la star du cinéma des années 50. Il fut aussi un militant indéfectible du théâtre pour tous aux côtés de Jean Vilar.
Intrépide soldat dans Fanfan la Tulipe ou secrétaire de gouverneur tiraillé dans La fièvre monte à El Pao au cinéma, bouleversant don Rodrigue dans Le Cid ou plus confidentiel prince Frédéric dans Le Prince de Hombourg, mis en scène par Jean Vilar au théâtre : en dix-sept ans d’une carrière brutalement interrompue, plus de quarante rôles au cinéma et près de trente sur les planches, Gérard Philipe s’est imposé comme une icône des années 1950. Une rétrospective à la Cinémathèque rend hommage au comédien, décédé d’un cancer foudroyant en 1959 et qui aurait eu 100 ans cette année. En préambule, le documentariste Patrick Jeudy célèbre l’acteur mais aussi le citoyen engagé pour un théâtre populaire, dans son documentaire Le Dernier Hiver du Cid. Entretien.
Cent
ans après la naissance de Gérard
Philipe, que retient-on de cet homme
de cinéma et de théâtre ?
Gérard Philipe, c’est d’abord
de grands rôles. Fanfan la Tulipe
marque encore des générations de
cinéphiles. Il a aussi incarné le Cid
au théâtre. Il ne reste que des
captations sonores de ces
représentations, bouleversantes.
L’allure, le panache et cette voix qui
portait… On imagine son succès dans
les grandes salles du Théâtre national
populaire (TNP) tout comme à Avignon.
Et puis Philipe défendait aussi des
textes rares ou plus confidentiels.
Dès ses débuts, il a pris des risques
en jouant des textes d’Henri Pichette
(1924-2000). C’était aussi un artiste
engagé. Il a été le premier président
du Syndicat français des acteurs et
s’est battu pour défendre leurs
droits. Il a renoncé à des cachets, à
des scènes prestigieuses pour vivre
l’aventure du TNP. Il ne se voyait pas
devenir un notable, un comédien
installé, attendu.
Quel
fut l’engagement de Gérard Philipe
auprès du TNP ?
Après une occasion manquée,
encouragé par son épouse, Anne, il a
rejoint en 1951 l’aventure de
Jean Vilar, directeur du TNP, d’abord
à Suresnes, puis à Chaillot. Ils
avaient le désir d’ouvrir le théâtre,
de proposer de grands textes, dans des
salles immenses, à des prix
abordables. C’était une offre
culturelle majeure à l’époque. Ils
sont allés chercher un public
populaire qui n’avait pas accès à de
telles représentations. Toute une
génération de comédiens, pour beaucoup
disparus, est également passée par le
TNP : Jeanne Moreau, Annie
Girardot, Philippe Noiret…
Au-delà
des engagements du comédien, quels
étaient ceux du citoyen ?
Contrairement à son père, propriétaire
d’hôtels sur la Côte d’Azur qui a fait
affaire avec l’ennemi, Gérard Philipe
s’est engagé dans la Résistance au
moment de la libération de Paris,
comme beaucoup de jeunes gens. Il est
notamment devenu le porte-parole de
Roger Stéphane, grande figure de la
Libération, alors que ce dernier était
aphone. Dans l’immédiat après-guerre,
il s’est rapproché du parti
communiste, qui correspondait à ses
valeurs, du moins jusqu’en 1956
et la gueule de bois qu’a suscitée
l’insurrection de Budapest. Il s’est
engagé contre l’armement nucléaire. Il
nous reste même des enregistrements de
textes de Karl Marx lus par Gérard
Philipe ! Toute sa vie, il a
porté un désir d’égalité et de
justice.
Rétrospective
« Gérard Philipe, ou le
romantisme ruiné ». Du 7 au
22 décembre. Cinémathèque
française, 51, rue de Bercy, 12ᵉ.
5,50-7€.
Gérard Philipe lit le Petit Prince
suivi
de la chanson d'Esther Ofarim
Un
prince en Avignon